Nancy Lamontagne | Artiste
Travail de création en cours : le sédiment et le paysage
Big Crunch scientifique
Des échantillons de fonds marins contenus dans des sacs plastiques ;
Des équipements scientifiques ;
Un protocole de granulométrie pour mesurer la taille et répartir en différentes classes les grains de chaque échantillon.
[Et mon cahier de notes et de dessins.]
Échantillons de fonds marins provenant de lieux inconnus (pour moi) :
Sur les cartes géographiques, le bleu représente la mer. Il masque les paysages sous-marins d'où proviennent les sédiments. La planéité cache la profondeur. L'inconnu reste inconnu, ouvert de sens et de représentation.
Les équipements scientifiques :
Des gestes, des sons, des textures, des odeurs et des sédiments qui sont recueillis, alors qu’ils tombent au hasard des mouvements de la tamiseuse.
La répétition du protocole :
Répéter inlassablement une procédure dont le sens s'évide au fil des répétitions.
Il n'en faut pas plus pour qu'un nouveau sens émerge et prenne forme dans mon cahier de notes et de dessins. « Par réflexe ontologique, la pensée s’efforce de redonner du sens à l’acte. Alors, la contemplation esthétique de la métamorphose des états de l’échantillon sédimentaire se focalise sur cet anti-paysage, en tant que lieu ultra-homogène. La classe sédimentaire la plus fine devient une imprécision spatio-temporelle, oscillant entre le gigantesque et le microscopique, annihilant la notion d’échelle. Le monument de sensations fait palpiter le shifter (Krauss, 1977) ou encore le message sans code (Barthes, 1964) : le filtrat, maintes fois produit, se mue en philtre totipotent par synesthésie. Le « message » sédimentaire s’incarne en touches pointillistes, impulsant la vibration de leur espace, qui n’aspire qu’à une phase d’expansion, de déploiement numérique de la représentation esthétique vers « le large de l’horizon marin, toujours fuyant, le large de toutes les aventures » (Miossec, 2013), y compris cyberspatiales.» (Collin et Lamontagne, 2021.)
Big Bang artistique
Ainsi, les gestes répétés deviennent une quête ; les lieux inconnus prennent des formes concrètes, posent question. Et, comme on recrée un animal disparu à partir de l'un de ses os, je recrée les paysages à partir de leurs poussières. Aux paysages tangibles, visitables, actuels, s'ajoutent les doubles imaginaires, virtuels.
Ces néopaysages s'affranchissent de la définition traditionnelle de paysage, de paysage sous-marin. L'espace et le temps touchent les deux infinis : l'infiniment grand et l'infiniment petit.
Des références ponctuelles finies ; des sensations dynamiques entre fini et infini : ne sommes-nous pas face à un karesansui ? Un jardin de pierres (issu du bouddhisme zen), paysage épuré, dépouillé, voire « écorché » (Berthier, 2000), où le roc stable affronte et se confond avec le sable fluctuant. L’économie matérielle de ces œuvres souligne la plénitude de l’univers (Bohm, 2006), la floraison du vide.
Les sensations dynamiques oscillant entre fini et infini de la poussière viennent aussi, tout naturellement, situer les néopaysages entre les images de particules élémentaires et de constellations ou autres phénomènes astronomiques. (Collin et Lamontagne, 2021.)
L’image est l’un de ces moyens qui permettent de faire exister ce qui n’existait qu’en imagination, voire même, ce qui débordait du cadre de cette imagination et qui, par les détours surprenants de la réalisation, advient.
Pour de plus amples informations :
Ces œuvres font l'objet d'un article dans la revue L'information géographique 2022/2 (Vol. 86) : « Pulsation spatiale: le sédiment au cœur de la métamorphose du paysage », éd. Armand Colin, 2022.
Je tiens à remercier:
Le programme Traversées créé sous la coordination du CIPAC, de la FRAAP et du réseau Diagonal, des organisations syndicales représentatives, avec le soutien du ministère de la Culture de la France (Direction générale de la création artistique) pour le soutien apporté au projet ainsi qu'à ma pratique ;
Antoine Collin et le Centre de géoécologie littorale, École Pratique des Hautes Études, Paris Sciences & Lettres, pour leur participation à la réalisation et à la diffusion du projet.
Work in progress: sediment and landscape
Scientific Big Crunch
Seabed samples contained in plastic bags;
Scientific equipment;
A granulometry protocol to measure the size and divide the grains of each sample into different classes.
[And my notebook of notes and drawings.]
Seabed samples of unknown locations (unknown to me):
On geographic maps, the blue represents the sea. It masks the underwater landscapes from which the sediments originate. The flatness hides the depth. The unknown remains unknown, open to meaning and representation.
Scientific equipment:
Gestures, sounds, textures, smells and sediments that are collected as they fall at random with the movements of the sieve.
The repetition of the protocol:
Endlessly repeating a procedure whose meaning is lost throughout the repetitions.
It does not take more for a new meaning to emerge and take shape in my notebook of notes and drawings. « By ontological reflex, thought strives to give meaning to the act. Then the aesthetic contemplation of the metamorphosis of the states of the sedimentary sample focuses on this anti-landscape, as an ultra-homogeneous place. The finest sedimentary class becomes a spatio-temporal imprecision, oscillating between the gigantic and the microscopic, annihilating the notion of scale. The monument of sensations makes the shifter throb (Krauss, 1977) or even the message without a code (Barthes, 1964) ): the filtrate, produced many times, turns into a totipotent philter by synesthesia. The sedimentary « message » is embodied in pointillist touches, impelling the vibration of their space, which only aspire to a phase of expansion, of digital deployment of the aesthetic representation towards « the sea of the sea horizon, always fleeing, the sea of all adventures » (Miossec, 2013), including cyberspatial. » (Collin and Lamontagne, 2021.)
Artistic Big Bang
Thus, the repeated gestures become a quest; the unknown locations take concrete forms, raise questions. And, as we recreate an extinct animal from one of its bones, I recreate the landscapes from their dusts. To tangible, accessible, current landscapes, are coupled imaginary, virtual doubles.
These new landscapes break free from the traditional definition of landscape, of underwater landscape. Space and time touch the two infinities: the infinitely large and the infinitely small.
Specific finished references; dynamic sensations between finite and infinite: are we not facing a karesansui? A stone garden (from Zen Buddhism), a refined, stripped down, even «flayed» landscape (Berthier, 2000), where the stable rock faces and merges with the fluctuating sand. The material economy of these works emphasizes the fullness of the universe (Bohm, 2006), the flowering of emptiness. The dust’s dynamic sensations, oscillating between finite and infinite also come, quite naturally, to situate the new landscapes between the images of elementary particles and constellations or other astronomical phenomena. (Collin and Lamontagne, 2021.)
The image is one of those means which give existence to what existed only in imagination, or even more amazingly, what went beyond the framework of this imagination and which, by the surprising detours of the realization, happens.
For further information :
These works are the subject of an article (in French with an English summary) published in the journal L'information géographique 2022/2 (Vol. 86) : « Pulsation spatiale: le sédiment au cœur de la métamorphose du paysage / Spatial pulse: the sediment at the heart of the landscape metamorphosis », ed. Armand Colin, 2022.
I would like to thank:
The program Traversées created under the coordination of CIPAC, FRAAP and réseau Diagonal, representative trade unions, with the support of the French Ministry of Culture (General Directorate of Artistic Creation) for the support provided to the project as well as to my practice;
Antoine Collin and the Centre de Géoécologie Littorale, École Pratique des Hautes Études, Paris Sciences & Lettres for their participation to the project and its dissemination.
Images : Sarah Bogard, APM Résidences d'artistes